Du haut de cet ouvrage, quinze ans de jeu de rôle vous contemplent. Ou vingt, c’est selon.
La première édition de Tigres Volants est parue en novembre 1990. Deux cent quarante pages de traitement de texte mis en pages à la hache, où les ignobles crobars de votre serviteur côtoyaient les photocopies de mangas. Oui, j’ai un peu honte, en y repensant.
Trois ans plus tard, rebelote – mais avec une mise en page presque correcte et des illustrations originales (= piquées à personne) qui ressemblent à quelque chose. La deuxième édition garde la même formule que la première : un tiers de règle, un tiers d’univers et un tiers d’équipement.
De beaucoup de points de vue, Tigres Volants 3.0 est un grand bond en avant.
Et, pendant ces dix dernières années ? Pas grand-chose, somme toute : une tentative avortée de supplément monolithique sur les Eyldar, des projets dérivés (bédés, nouvelles) toujours dans les cartons, quelques textes qui ont, au final, été intégrés en grande partie dans cette version.
Peut-être – surtout – un changement des habitudes du rôliste moyen. Le porte-monstre-trésor (PMT), ça va un moment. La microgestion du matériel et des finances et les règles de combat qui trahissent encore un héritage des jeux à figurines, ça finit aussi par fatiguer ; et puis, surtout, les jeux vidéos font ça mieux.
En fait, si ça se trouve, ce qui a le plus changé, c’est moi. Je vieillis. Surprise.
Et pourquoi ça s’appelle Tigres Volants ?
Alors, en fait, Tigres Volants, c’est quoi à la base ? À l’origine, c’est surtout un fantasme d’adolescent boutonneux, un monde où promener mes alter ego (elfiques ; forcément elfiques) empruntant aux dessins animés japonais de l’époque (oui, ça veut dire Goldorak), à Elfquest et à mes premières parties de jeu de rôle (oui, ça veut dire AD&D).
À l’origine – et, selon l’expression consacrée, je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître – le jeu était prévu pour jouer les (gentils) mercenaires des Tigres Volants face aux (méchants) Highlanders. C’était la grande époque des Babases™ : du PMT des familles, mais avec des bases militaires, des commandos highlanders et des armes de haute technologie. Là encore, il y a prescription.
Et surtout, il existe un processus que l’on appelle « évolution » et qui fait que, fort heureusement, les choses finissent par changer. L’univers s’est étoffé, ma vision des choses a changé, le manichéisme est passé de mode (en tous cas chez moi).
Reste la question : pourquoi ça s’appelle toujours Tigres Volants ? Par flemme, en grande partie – pour être plus précis, par inertie. C’est même à peu près la seule chose qui n’ait pas changé ; les différentes tentatives pour trouver un autre nom se sont soldées par, sinon une levée de bouclier, du moins un grand « bof ». Au final, pourquoi changer une équipe qui gagne ?
Même si elle ne gagne toujours rien.