Erdorin, Chroniques de l’Arbre-monde, Livre 3, chapitre 13

Erdorin, Chroniques de l’Arbre-monde, Livre 3, chapitre 13

Cet article est le numéro 13 d'une série de 15 intitulée Erdorin, Livre 3

La porte opposa plus de résistance physique qu’électronique : quand les Européens parlaient d’abri anti-atomique, ils ne faisaient pas semblant et Kyoshi et Daeithil n’étaient pas trop de deux pour pousser le lourd vantail de béton armé, monté sur des gonds qui n’avaient plus vu d’huile depuis des années.

Elles aboutirent dans la chaufferie ; de là, elles passèrent dans un ancien garage reconverti en dépôt de meubles. Si le plan était exact, une porte menait à l’étage et une autre vers le reste du sous-sol de la villa de von Aa.

**Finissons de visiter le sous-sol. À l’ambassade, les ouvrages étaient entreposés dans un coffre sous la maison.**

Daeithil hocha la tête. Elle s’était débarrassée de l’uniforme et avait sa combinaison et son épée ; Kyoshi avait insisté pour qu’elle prenne au moins un pistolet neutralisateur – et vérifié par ailleurs que sa combinaison était bien chargée. Elle retira également son uniforme et assura le fourreau de son révolver, ainsi que la sacoche avec Rogiero en bandoulière.

Silencieusement, les deux femmes arpentèrent le sous-sol et, sans surprise, à côté du garage souterrain de la villa, elles trouvèrent le coffre. Ouvert.

Kyoshi jura très fort avant de constater que la pièce était emplie de nombreux ouvrages.

**Ouf !**

**Oui, mais je me demande pourquoi cette porte est ouverte. Ce n’est pas normal de construire une telle pièce forte si c’est pour la laisser ouverte à tous les vents.**

**Peut-être a-t-il sorti des ouvrages…**

**En ce cas, je vais aller vérifier.**

Kyoshi la regarda avec étonnement. Daeithil l’embrassa brièvement et s’éloigna prestement et en silence.

**Ne t’inquiète pas : ce n’est pas la première fois que je cambriole un domaine.**

**QUOI ???**

***

— Beta One à Op. « Sébastien » neutralisé.

— Parfait. Des nouvelles de « Belle » ?

— Négatif. Continuons la patrouille.

Eileen McIntyre grimaça. En fait, ce n’était pas parfait du tout. Elle espérait avoir un peu plus de temps pour tout finaliser, mais si le trio maudit avait décidé de passer à l’action, il devenait urgent pour elle de solder les comptes. Elle sortit son communicateur et régla la minuterie sur cinq minutes, puis elle lança le code convenu.

Elle se retourna, pour se retrouver nez à nez avec une Eylwen, dont l’épée était pointée sur sa glotte.

***

Daeithil monta les escaliers discrètement. La villa était cossue, sans aucun doute. Elle n’aimait pas le style – trop chargé, trop artificiel – mais elle reconnaissait les bois rares, les cuirs travaillés et les peintures soigneusement mises en valeur. La villa était plongée dans le silence et une semi-obscurité ; seule une pièce était illuminée, elle s’y dirigea.

L’endroit devait être une salle de lecture ; elle avait déjà vu ce genre de décor dans des fictions vidéo, notamment celles impliquant un enquêteur sociopathe pratiquant dans une ville terrienne aujourd’hui détruite. Elle sentit une présence – non, deux, mais à peine.

Risquant un regard, elle vit une femme aux cheveux roux noués en un chignon très fonctionnel, grande et mince, habillée pour sortir avec un court manteau, un épais pantalon et une paire de hautes bottes. Elle lui tournait le dos, consultant un écran de son communicateur. Mais elle vit surtout, affalé dans un fauteuil, von Aa. Inconscient, un filet de bave coulant sur son menton et perlant sur un ouvrage ancien posé sur ses genoux.

Elle tira l’épée juste au moment où la femme se retournait. Sa surprise n’était pas feinte : elle ne l’avait ni vue, ni entendue arriver.

— Que lui as-tu fait ?

— Mais… qui êtes-vous ?…

— Ne te moque pas de moi ! Tu l’as tué, n’est-ce pas ?

Eileen McIntyre soupira. Elle releva la tête avec un sourire amusé et enchaîna, dans un eyldarin impeccable :

— Tu ne comprendrais pas, Daeithil De Lleniel.

Surprise par le changement de langue, Daeithil recula d’un pas. Eileen n’eut pas besoin de plus : elle lui lança au visage le verre d’alcool posé sur le guéridon et plongea.

L’Eylwen lança un juron assez peu princier ; elle parvint à esquiver l’alcool. Elle ne parvint par contre pas à esquiver un méchant crochet aux jambes et tomba, face en avant, sur le tapis ; elle se retourna juste à temps pour arriver à parer un coup de tisonnier qui manqua de lui arracher sa lame des mains. Son vis-à-vis avait une technique d’escrime rudimentaire, mais redoutablement efficace quand elle était utilisée par une personne dotée d’une force peu commune.

Cette Eileen MacIntyre n’était pas du tout ce qu’elle paraissait être et Daeithil sentit un accès de sueur froide lui glacer le dos.

***

Kyoshi contempla le coffre. Elle souffla brièvement, puis activa l’interface optique de son communicateur. Elle commença à filmer la collection d’ouvrages ; Rogiero répertoriait à la volée les références et les comparait à la base de données européenne des ouvrages numérisés. Kyoshi voyait les titres apparaître sur ses lunettes, au fur et à mesure et s’amusait des double, voire triple sens.

Jusqu’au moment où, en guide de titre, elle vit apparaître un « Grenade EIG-47 modèle incendiaire » qui n’impliquait aucun double sens. Elle déglutit, un frisson de terreur la parcourut : l’engin était armé, relié à un déclencheur à distance.

— Arko, nous avons un problème.

Pas de réponse. Elle essaya plusieurs fréquences et, en désespoir de cause, le code du communicateur du Rowaan. Sans succès.

**Daeithil, nous avons deux problèmes.**

La réponse mentale lui parvint était trop confuse pour comprendre autre chose que l’Eylwen se battait. OK, nous avons trois problèmes.

***

Daeithil recula derrière le fauteuil, essayant de reprendre sa respiration. Son adversaire était également essoufflée, mais elle affichait un sourire victorieux. Les assauts mentaux de l’Eylwen butaient sur une discipline de fer ; la seule chose qu’elle pouvait capter, c’était des séries de chiffres.

— Je ne te laisserai pas gagner, qui que tu sois !

Eileen rit :

— J’ai déjà gagné, princesse !

— Jamais !

Daeithil dégaina brusquement son pistolet neutralisateur, mais avant même de pouvoir le pointer, Eileen McIntyre plongea au sol. Elle comprit, un instant trop tard, la signification des chiffres : un compte à rebours, qui venait d’arriver à zéro.

L’instant d’après, la pièce devint fournaise.

Texte: Alias – Licence: Creative Commons, partage dans les mêmes conditions (CC-BY-SA)

Illustration: Psychée – Illustration originale visible sur son blog

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