Erdorin, Chroniques de l’Arbre-monde, Livre 4, chapitre 7

Erdorin, Chroniques de l’Arbre-monde, Livre 4, chapitre 7

Cet article est le numéro 7 d'une série de 12 intitulée Erdorin, Livre 4

Arko se réveilla avec une sensation de fraîcheur cotonneuse. Ça aurait pu être agréable s’il n’y avait pas également un mal de crâne épique, une gêne respiratoire et une liberté de mouvement très restreinte. Il lui fallut quelques instants pour se rappeler que la céphalée avait comme origine probable les multiples coups de neutralisateur reçus. Les autres symptômes s’expliquaient par le fait qu’il était enfermé dans un sarcophage cryogénique, un masque à oxygène mal ajusté sur le museau.

Pas bon.

D’une part, il était prisonnier et, d’autre part, les sarcophages cryogéniques nécessitaient des procédures très précises, avec endormissement du sujet et oxygénation régulière ; étant réveillé et en plus doté d’un masque inadapté à sa morphologie, il y avait de grosses chances qu’il se réveille avec des méchantes séquelles. Ou pas du tout.

Point un : ne pas paniquer. Arko n’était pas du tout à l’aise dans les espaces confinés et il avait connu des crises de claustrophobie majeures dans sa jeunesse. Raison pour laquelle il avait dû rapidement abandonner ses rêves de pilote de combat pour se résigner à l’aviation de transport.

Point deux : sortir de là. De préférence avant que la température ne le gèle sur pied.

***

Kyoshi et Daeithil s’étaient, elles, réveillées dans une moiteur organique à base d’anatomie et de restes de literie mêlés, le tout couvert de restes de repas et de fluides corporels variés. Les dernières heures d’activités amoureuses diverses avaient laissé des traces dans une literie qui en avait déjà vue d’autres ; les services de nettoyage n’étaient entrés dans leur cabine depuis trois jours et, pour tout dire, c’était plutôt cracra.

La même pensée traversa les esprits des deux amantes, aussi enlacés que leurs corps ne l’étaient. Par delà l’aspect peu ragoutant de la chose, la situation les amusa.

**Thermes ?**

**Je crains que ça ne s’impose.**

Le temps de jeter de simples tuniques sur leurs épaules, le duo quitta enfin sa chambrée pour se diriger vers les bains publics les plus proches. Kyoshi, qui avait encore un peu de mal à marcher suite à ses blessures – et aussi à ses galipettes récentes – s’appuyait sans retenue au bras de Daeithil. Avant de sortir, cette dernière avait demandé au service des cabines un nettoyage complet et, un peu honteuse de l’état des lieux, l’avait agrémenté d’un généreux pourboire. Elle avait aussi, plus discrètement, commandé quelques services particuliers au personnel des thermes.

Dans un premier temps, elles étaient passées par les bains individuels, histoire de se décrasser. Ça n’était pas du luxe et la Terrienne fit rire le personnel des thermes en expliquant qu’elle avait voulu initier Daeithil au catch dans la boue.

***

Arko essaya de contrôler sa respiration. Les efforts des dernières minutes – heures ? – avaient été rendus encore plus compliqués par le flux notoirement insuffisant du respirateur. Désormais couché sur le ventre, il était au bord de l’asphyxie, un voile rouge devant les yeux. Il prit quelques brèves inspirations, bloqua tout et commença à pousser du dos contre le couvercle en prenant appui sur ses coudes.

Après un temps qui lui parut infini, il y eut un craquement sinistre et il retomba lourdement sur la couche glacée. Dans sa demi-conscience, il sentit l’air frais du container affluer dans le sarcophage. Bonne nouvelle : ce n’était pas sa colonne vertébrale qui avait cédé en premier !

Plusieurs longues minutes lui furent nécessaire pour reprendre une respiration normale, éclaircir les restes de l’asphyxie de son organisme, puis pousser le couvercle et s’extraire enfin du sarcophage. Sa migraine était toujours prégnante, mais au moins le froid refluait. Il se trouvait dans l’une des douze unités cryogéniques entreposées dans le container sur des étagères en acier ; la seule lumière provenait du moniteur d’activité de son unité, qui affichait d’ailleurs une myriade de messages d’alertes.

Arko contempla les lumières rouges clignotantes pendant quelques secondes avant que son esprit ne se remette en marche. Pas bon, ça.

Comme pour confirmer la chose, il entendit quelqu’un déverrouiller la porte du container.

***

Lessir ouvrit la porte prudemment, restant de côté et pointant le fusil neutralisateur vers l’intérieur du container. Personne. Seules les loupiotes d’alerte clignotaient dans la pénombre.

L’atalen grommela de choses peu aimables envers l’hôte du sarcophage. Il avait encore pris une double dose d’antalgiques ce matin pour atténuer les douleurs de sa mâchoire fêlée – et encore, il avait eu plus de chance qu’Aener, qui avait dû faire un séjour au dispensaire de l’équipage et se retrouvait avec une main immobilisée et le nez cassé.

Si ça n’avait tenu qu’à lui, il aurait collé une balle dans la tête de ce rowaan et balancé son corps par le sas vide-ordure. Ou peut-être aurait-il même économisé la balle.

Rien ne bougeait dans le container ; il consulta rapidement l’affichage de son communicateur, qui disait juste « erreur de fonctionnement » suivi d’un code à huit chiffres. Saleté de systèmes terriens ! Quand apprendront-ils à faire des messages d’erreur exploitables ?

Lentement, prudemment, il avança vers le container fautif ; il finit par allumer l’éclairage de son fusil pour tenter d’y voir quelque chose. Il lui fallut une poignée de secondes pour constater que le couvercle était de travers et, plus ennuyeux, que le sarcophage était vide.

Exactement le temps nécessaire pour Arko, caché dans le sarcophage en dessous, pour ouvrir le couvercle et appliquer le paralysant électrique, camouflé en inhalateur, juste entre les deux plaques de blindage de sa combinaison. Ces petzouilles avaient négligé de le fouiller. Amateurs !

***

— Lensil Daeithil, Kyoshi. Je suis Wenyr.

L’ataneylwen qui venait d’entrer dans le petit salon privatif était vêtue en tout et pour tout d’un pagne, d’une sacoche en lin et d’un peigne très élaboré qui retenait ses longs cheveux noirs. Plus petite que Daeithil, avec une silhouette toute en courbe, elle avait une peau couleur de miel et, chose rare chez les eyldar, quelques discrets tatouages.

Daeithil l’accueillit d’un sourire et d’un mouvement de tête ; Kyoshi, quant à elle, fut un peu plus démonstrative, le regard fixé sur la plastique – au demeurant remarquable – de la masseuse. L’eylwen pouvait presque sentir le flot d’hormones qui émanait de sa compagne.

**Tsk. Ne sois pas aussi ouvertement libidineuse, Kyoshi-sama !**

L’utilisation du terme japonais était une sorte de code entre elles deux, une manière pour Daeithil de rappeler à l’ordre la Terrienne si elle se comportait de façon… trop terrienne. Elle s’installa sur l’une des couches de massages installées côte à côte et invita Kyoshi du geste à faire de même.

**Je sais bien, mais… tu avais besoin de la choisir aussi… parfaite ?**

**À dire vrai, j’avais quelqu’un d’autre en tête et je ne connais pas cette masseuse. Mais j’avoue volontiers que ce remplacement est visuellement à mon goût.**

Le duo s’installa sur le ventre pendant que Wenyr commençait à préparer son équipement, allumant un brûle-parfum qui diffusait des fragrances subtiles et épicées.

— Qui commence ?, demanda-t-elle sur un ton à la fois joueur et sensuel.

Les deux échangèrent un regard et Kyoshi lâcha « Honneur aux princesses ! »

Elle comptait bien profiter du spectacle, même si la fatigue des derniers jours commençait à lui peser : combinée à la position allongée, cette dernière avait une influence néfaste sur ses paupières. Mais du diable si elle allait s’assoupir pendant que Daeithil passait sous les mains expertes d’une spécialiste des massages.

Si elle n’avait pas perçu du coin de son esprit l’intention soudaine, elle n’aurait peut-être pas vu le subtil mouvement par lequel Wenyr se saisit d’une longue aiguille qui faisait partie de son peigne et la dirigea d’un geste rapide vers la nuque de Daeithil.

Kyoshi réagit par pur réflexe : d’une impulsion télékinétique, elle lança son oreiller s’interposer. L’aiguille s’y enfonça profondément. Dans le même mouvement, elle se releva brusquement, mais ses jambes manquèrent se dérober sous elle. Elle chancela et cette faiblesse lui évita d’encaisser le talon de la masseuse en pleine face. Pour sa peine, elle chuta lourdement.

Wenyr se saisit de sa sacoche et en tira trois longs dards, gainés de plastique. Elle lança à Kyoshi un regard dépassionné :

— C’est dommage, tu n’étais prévue sur le contrat. Mais t’éliminer devient nécessaire.

La Terrienne eut un frisson. Son esprit capta un bref instant les pensées superficielles de son adversaire : elle n’était pas seule, il y avait tout un commando résolu à tuer Daeithil – et tout ce qui serait sur leur chemin. Elle réfléchissait à cent à l’heure. Daeithil, toujours allongée sur la couche de massage, essayait de se relever, mais semblait comme engluée, comme si son corps pesait une tonne.

Son adversaire fit sauter du pouce une des gaines des dards et arma son geste.

Kyoshi se prit soudainement à penser à Arko et à ses interventions de dernière minute.

La porte du salon s’ouvrit alors brusquement sur un rowaan. Mais pas exactement le molosse de plus de deux mètres, mais un modèle nettement plus petit, voire carrément malingre, avec une tête surplombée par des oreilles gigantesques.

L’apparition surprit autant Kyoshi que Wenyr – même Daeithil, qui était dans le coton, parut étonnée. Quant au rowaan, il s’arrêta une demi-seconde à la vue des trois beautés féminines dénudées qui s’offraient à son champ de vision.

Il sembla néanmoins apprécier la situation suffisamment vite pour pointer un curieux assemblage d’objets divers, où Kyoshi reconnut un briquet, un porte-carte et une pipe bavaroise, et tirer sur Wenyr. Le neutralisateur émit son « pfwoum ! » typique, l’ataneylwen plongea derrière une couche inoccupée, non sans décocher son dard.

La brusque arrivée d’air frais dans le salon raviva quelque peu l’esprit embrumé de Kyoshi. Elle avisa le brûle-parfum et, concluant que c’était sans doute cette substance qui était la cause de son état semi-larvaire, elle le propulsa d’une impulsion mentale vers l’endroit où s’était caché la masseuse. L’impact contre le mur brisa l’ustensile et, entre le petit réchaud et la substance huileuse, répandit une nappe de flamme sur une réserve de serviettes.

Wenyr roula sur le côté et lança son deuxième dard. Kyoshi le bloqua in extremis avec un coussin et, s’appuyant sur une petite table, tenta de se redresser. Mais son adversaire, elle, ne semblait aucunement gênée par les vapeurs lénifiantes – sans doute avait-elle pris un antidote – et fonça sur elle. Son élan fut cependant interrompu par un coup de pied vicieux de Daeithil, qui la frappa à la hanche. Pas suffisamment fort pour la blesser, mais le coup la distrait suffisamment pour que Kyoshi puisse se mettre en garde.

Elle sentit un mouvement derrière elle et, se préparant à frapper du coude une éventuelle nouvelle menace, elle vit le rowaan qui avançait, son arme toujours à la main. Il tremblait et chancelait, comme atteint de fièvre. Kyoshi vit, avec horreur, qu’une de ses oreilles était transpercée par le dard, qui de toute évidence était enduit d’une substance neurotoxique. Du coin de l’œil, elle vit Wenyr armer un troisième lancer.

L’assassin n’eut pas le temps de terminer son mouvement : le premier dard, celui qui avait touché le rowaan, traversa la pièce à une vitesse surnaturelle et s’enfonça à la base de sa gorge, accompagné par une charge d’énergie qui claqua à l’impact. Elle fit un pas en arrière, les yeux écarquillés et suffocante, puis s’effondra au sol. Une odeur de chair brûlée emplit la pièce, se mêlant aux senteurs entêtantes de l’huile parfumée, juste avant que les systèmes anti-incendie ne s’enclenchent.

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3 thoughts on “Erdorin, Chroniques de l’Arbre-monde, Livre 4, chapitre 7

  1. Beaucoup de typos et de répétitions, mais y’a un record, là : puis pousser le couvercle du sarcophage et s’extraire enfin du sarcophage. Sa migraine était toujours prégnante, mais au moins le froid refluait. Son sarcophage était …

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